J’ai rêvé d’Astor Piazzolla. Nous sommes à Buenos Aires dans une salle de cours spacieuse. Une grande table est au centre, je suis assise devant et de ma chaise j’observe un rideau onduler. La fenêtre est ouverte sur un rectangle de lumière éblouissante qui m’empêche de distinguer autre chose que cette surexposition solaire, au-delà de la blancheur. Le rideau écru bouge lentement. La température est printanière. Le rideau semble mu par une énergie vivante. De temps à autre il se gonfle de lumière comme une voile. Le maître est sur ma gauche, entre la table et la fenêtre, de dos dans un costume beige. Ses cheveux sont blancs et je ne vois pas son visage. Sur la table en chêne propre et vide, mes mains sont posées à plat, doigts écartés. Il y a cinq lignes parallèles gravées dans le bois, espacées de deux centimètres. Le maître lève l’avant-bras droit comme pour regarder l’heure, la main gauche s’avance vers son poignet droit en rotation mais ce n’est pas une montre qu’il saisit. C’est un bouton de manchette en nacre, une demi-sphère cerclée d’un anneau d’argent, une petite planète avec laquelle il capte un rayon de la fenêtre qu’il dirige vers les lignes gravées sous mes yeux. Il m’envoie un point de lumière sur la portée pyrogravée dans la table, duquel je dois déduire une hauteur de note. Le point s’éteint pour se rallumer une ligne plus bas ou plus haut. Il fait du morse avec son doigt. Il ne dit pas un mot, je suis immobile et je chante dans ma tête sous la dictée d’Astor la mélodie silencieuse des rayons réfléchis.
Je crois j’ai fait ce rêve en rapprochant les mots Astor/Astre, Argent/Argentine, Maître/Mètre et Nacre/Acre. J’avais lu un texte sur l’harmonie des sphères de Pythagore